Règlement Produits de Construction : quo vadis ? – Intégrale

1 septembre 2022

Après une série de l’été 2021 consacrée aux difficultés d’application du Règlement Produits de Construction et alors que l’examen du projet de révision par le Parlement et le Conseil européens va débuter, nous vous avons proposé dans notre feuilleton de l’été 2022, de découvrir quelques points clés du projet, accompagnés par les illustrations de Henry Holiday pour l’œuvre de Lewis Carroll « La Chasse au Snark », poème de l’absurde ayant pour cadre la quête (qui tourne mal) d’un animal fantastique. Nous vous invitons à retrouver ci-après l’intégrale de la série.

1 – Du volontaire obligatoire et de l’obligatoire volontaire

Le RPC en vigueur impose une déclaration des performances des produits de construction pour des caractéristiques essentielles spécifiées dans une norme européenne harmonisée, préalable indispensable au marquage CE. Cette déclaration est obligatoire pour les caractéristiques règlementées sur le ou les marchés nationaux visés par le produit, volontaire pour les autres caractéristiques. Ce système qui n’implique pas la conformité aux exigences de la norme n’a pas toujours été bien compris.

Afin de lever toute confusion et clarifier ce qui est volontaire et ce qui est obligatoire, la Commission européenne propose de passer à un double système de déclarations :

  • une déclaration des performances, volontaire ou obligatoire selon les caractéristiques, sur la base de normes rendues d’application obligatoire,
  • et une déclaration de conformité à des exigences obligatoires sur la base de normes d’application volontaire.

À noter qu’apposer un marquage CE obligatoire sur la base d’une Évaluation Technique Européenne reste volontaire.

« Cette obscure clarté qui tombe des étoiles… »

2 – Le plein et le vide

En tant que textes venant en appui de législations européennes, les normes harmonisées ont été constamment considérées en justice comme « exhaustives », c’est-à-dire censées couvrir tout le champ d’application du règlement. En conséquence, la Cour de Justice de l’Union Européenne a systématiquement condamné les États membres qui imposaient unilatéralement aux produits de construction de répondre à des exigences portant sur d’autres caractéristiques que celles des normes harmonisées. Pour autant, La Commission européenne reconnaît que les États membres, en application du principe de subsidiarité[1], peuvent avoir des besoins légitimes de règlementer rapidement sans attendre une implémentation européenne.

Afin de clarifier ce qui relève de l’exhaustivité et de la subsidiarité, la Commission européenne propose donc de définir une « zone harmonisée » couvrant toutes les exigences potentielles relatives aux produits de construction non couvertes par d’autres textes européens. Par dérogation, la Commission peut autoriser un État membre à imposer d’autres exigences pour des raisons de santé, de sécurité ou de protection de l’environnement.

On pourrait croire qu’il y a là un syllogisme car, ces exigences nationales sur les produits devant être notifiées à la Commission européenne dans le cadre de la prévention des obstacles techniques au commerce, elles deviennent ainsi logiquement des exigences potentielles, donc couvertes par la zone harmonisée, et donc, ne pouvant faire l’objet de mesures nationales. Toutefois, tant que les normes harmonisées actuelles ne sont pas remplacées, les produits de construction qu’elles couvrent échappent à la « zone harmonisée » du fait qu’ils relèvent d’un autre texte européen : le RPC actuellement en vigueur, qui reste applicable aux produits en attente de mesures d’application du nouveau texte.

Dans « Stalker » d’Andreï Tarkovski, la Zone abrite une chambre qui exauce les vœux…

3 – Précis quoique vague

Les organismes notifiés par les États membres pour effectuer les contrôles en application des différents systèmes d’évaluation et de vérification de la constance de la performance se sont beaucoup vu reprocher par la Commission européenne de ne pas suffisamment concilier leurs interprétations des normes et leurs pratiques, malgré la mise en place d’un groupe chargé de cette coordination.

Afin d’instaurer davantage de rigueur, la Commission européenne propose donc de définir un nombre minimum de points aléatoires à examiner concernant l’application du RPC par le fabricant, en fonction du système d’évaluation et de vérification applicable au produit concerné : 50 points pour le système 1+, 40 pour le système 1, 30 pour le système 2+ et 20 pour le système 3. Ces contrôles donneraient lieu à un refus ou un retrait de certificat à partir de deux non-conformités ou d’une non-conformité « particulièrement grave ».

Le projet ne précise cependant pas comment et par qui seront harmonisées les interprétations à venir concernant ces points de contrôle, qui doivent porter sur le contrôle de production en usine et la concordance entre la documentation technique du fabricant et ses déclarations réglementées. Ni ce qui est censé être « particulièrement grave ».

Le juge Roy Bean sera-t-il notifié ?

4 – Tout et le reste

La définition des produits de construction relevant du RPC, et donc du marquage CE, a parfois donné lieu à des interprétations délicates et à des décisions pas toujours intuitives.

Afin d’éviter que la notion de produit de construction ne prête à interprétation, la Commission européenne propose donc que le RPC couvre tous les produits, qu’ils soient ou non mis sur le marché, et y compris les produits non destinés à la construction. Seuls seraient exclus les produits qui sont couverts par un autre texte européen.

De plus, afin d’éviter que les utilisateurs ne se méprennent sur l’usage des produits, des mesures sont prévues pour lever toute ambiguïté :

– cas des produits à « double usage », c’est-à-dire pouvant être utilisé comme produit de construction en plus de leur principal usage prévu : les fabricants devront soit établir les déclarations de performance et de conformité selon le RPC, soit apposer sur ces produits ou dans leur documentation la mention « non destiné à la construction » ;

– cas des produits dont le fabricant n’a pas prévu l’usage en tant que produit de construction : les distributeurs et importateurs devront veiller soit à établir les déclarations de performance et de conformité selon le RPC, soit à veiller par contrat à ce que les utilisateurs ne les utilisent pas comme produit de construction.

Reste à définir s’il s’agit de produits de non-construction ou de non-produits de construction…

5 – Simplification simplifiée

Le RPC en vigueur prévoit des mesures de simplification permettant de remplacer l’essai de type par une documentation technique appropriée s’appuyant sur un ou plusieurs des trois éléments suivants :

– connaissance a priori : existence d’une décision de la Commission ou d’une clause de la spécification technique harmonisée établissant pour une caractéristique que dans certaines conditions, la performance est atteinte a priori sans que cela doive être justifié par un essai ou un calcul ;

– partage d’essais : le produit correspond à un produit type d’un autre fabricant, déjà évalué par ce dernier, qui autorise par contrat ou licence d’autres fabricants à se référer à ses propres résultats ;

– essais en cascade : le produit est en tout ou partie constitué de composants dont la performance a déjà été évaluée par leurs fournisseurs, et détermine la performance finale.

La Commission aurait cependant observé que ces mesures avaient été peu comprises et donc peu appliquées.

Aussi, afin de simplifier ces mesures de simplification, le partage d’essais, qui permet en particulier de mutualiser la réalisation d’évaluations ou d’essais onéreux, notamment pour les TPE-PME, n’est pas reconduit dans le projet de révision.

Ou quand trop de simplification tue la simplification…

6 – RPC et RPC

Dans la présentation de son projet de révision, la Commission européenne rappelle les difficultés rencontrées dans le cadre de l’application du RPC en vigueur, et notamment concernant la fourniture de normes répondant à ses critères de citation au Journal Officiel de l’Union Européenne en tant que normes harmonisées.

Lors des échanges dans le cadre de l’évaluation de la mise en œuvre du RPC, le Parlement européen, comme les parties prenantes et les États membres, avaient exprimés leur souhait de voir mettre en œuvre des mesures d’amélioration rapides avant d’envisager la révision. Sur la base de ces éléments, la Commission européenne propose une révision approfondie, qui sera mise en œuvre selon une transition longue avec le texte actuel.

À cette fin, la Commission européenne propose de faire entrer en application le RPC révisé progressivement au moyen d’actes délégués[2]. Ces derniers permettraient ainsi de préciser au fur et à mesure les modalités d’application concernant les différents produits couverts, les caractéristiques essentielles à déclarer, les exigences à satisfaire, les informations à fournir, l’établissement des normes harmonisées applicables, le lien avec d’autres textes de l’union, les nouveaux systèmes d’évaluation, les nouvelles obligations environnementales, la mise en place d’une base de données payante des déclarations de performances et des déclarations environnementales, ou d’autres dispositions. Au total, 19 articles seraient applicables à travers des actes délégués, et 14 autres pourraient être complétés par des actes d’exécution.

Dans l’attente de la publication des actes délégués qui les concernent, et jusqu’en 2045 au plus tard, les produits resteraient soumis au RPC en vigueur.

RPC ou RPC, voilà la question…


 

[1] Le principe de subsidiarité est une maxime politique et sociale selon laquelle la responsabilité d’une action publique, lorsqu’elle est nécessaire, revient à l’entité compétente la plus proche de ceux qui sont directement concernés par cette action.

[2] La Commission adopte des actes délégués sur la base d’une délégation octroyée dans le texte d’un acte législatif du Parlement européen. Le pouvoir de la Commission d’adopter des actes délégués est strictement limité.


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